Jean-Paul Gaillard

in revue Thérapie familiale. Vol. XX n° 4.1999.

Editions Médecine et Hygiène. Genève.

Résumé : Institution et violence: une lecture systémique. L'auteur met en évidence les liens étroits entre la violence institutionnelle et la violence individuelle, au sein des établissements d'éducation spécialisée ou psychiatriques. Il montre que les notions de norme, mythe et rituel sont particulièrement opératoires pour comprendre et modifier efficacement les dynamiques institutionnelles et interindividuelles au sein d'une institution. A partir du concept de « miracle furtif » il montre que la désintrication entre norme et mythe génère indéfiniment la pathologie. A partir du concept de « petites claques sur la tête » il met en évidence un mécanisme majeur de chronicisation des troubles psychopathologiques.

Mots clés : violence - norme - mythe - rituel - danse rituelle - auto-organisation - émergence - enaction - identité - bergers identitaires - mythe d'équipe - mythe de survie - greffe mythique - espace de liberté - petite claque sur la tête - miracle furtif

Summary : Institution and violence: a systémic view. The author shows the strong bonds between institutional violence and interpersonal violence, in éducational or psychiatric organisations. He shows how the notions of norm, myth, ritual are operating for understanding and modifying efficiently the institutional and interpersonal dynamics in an organisation. With the concept of « furtive miracle » he shows that the dissociation between norm and myth is producing pathology, indefinitely. With the concept of "little slap on the head" he shows an hight mechanism of chronicity.

Key-words: violence - norm - myth - ritual - ritual dance - auto-organisation - emergence - enaction - identity - identitar shepherd - skeep myth - surviving myth - myth to graft - free space - little slap on the head - furtive miracle

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Cet article est une reprise d’un précédent article[2] paru en 1999. A cette époque je prenais lentement conscience que nous vivions un bouleversement sociétal qu’aucun d’entre nous n’avait jamais vécu, mais sans pouvoir encore en dégager des éléments d’intelligibilité. Nous sommes en 2016 et quinze années de travail sur les effets psychosociétaux, aujourd’hui perceptibles par tous, de la mutation sociétale en cours, m’ont permis d’en dégager les éléments d’une intelligibilité suffisante pour se montrer utile aux jeunes parents, aux éducateurs et aux enseignants[3].

La violence dans l’institution est un phénomène particulièrement complexe, qui, si l’on peut parfois l’imputer à un individu ou à un petit groupe d’individus, ne se résume jamais à eux seuls. Une réflexion sur la violence dans l’institution implique aujourd’hui, non seulement qu’on s’interroge sur les différents niveaux de violence qui la composent en temps « normal » c'est-à-dire entre deux mutations, mais aussi sur ce qui de cette violence institutionnelle est dû à la dynamique mutationnelle actuelle.

Erwing Goffman, dans Asile, a remarquablement mis en évidence un de ces niveaux de la violence, en décrivant les rituels qui se déploient dans toute institution. L’analyse que je propose de la violence dans ses rapports à l’institution s’inscrit dans la suite des travaux de Goffman, en s’appuyant d’une part sur mes acquis théoriques et pratiques en thérapie systémique et d’autre part sur les résultats de mes travaux sur la mutation sociétale en cours.

Le précédent article s’appuyait trente années de fréquentation d’équipes éducatives et soignantes[4], le présent article s’appuie sur quinze année d’une fréquentation tout aussi assidue d’équipes éducatives et soignantes que la mutation a mis en grande difficulté.

1. Mythes et normes.

Les ethnologues exotiques et endotiques du 2àième siècle (Levi-Strauss 1948-89, Mauss 1968, Griaule 1975), (Blanc 1987, Boissevain 1992, Bronberger 1995, Rivière 1995), les théoriciens de la thérapie familiale du 20ième siècle (Ferreira 1966, Selvini 1978, Caillé 1988, Rougeul 1992, Neuburger 1995), ont produit un couple conceptuel d’une grande utilité pour qui voulait comprendre les fonctionnements institutionnels. Il s’agit du couple Mythe-Norme, dont nous donnerons les définitions basiques suivantes:

            Norme : ce qui doit être, ce qui correspond à l’usage général et au droit dans une société et une époque donnée; c’est l’ensemble, le plus souvent écrit dans nos sociétés, des règles pour l’action qui émergent de tout groupe humain suffisamment stable. La norme joue un rôle déterminant dans les comportement mutuels et dans l’appréciation des comportements des autres (Exemple de norme : code civil et pénal, Annexes XXIV et XXV, code de la route, règlement intérieur d’un IME, etc.).

            Mythe : récit à visée identitaire (il me raconte ce que je suis en me racontant ce que sont les miens), à visée opératoire (il me fait savoir comment je dois me comporter dans le même temps qu’il me fait savoir comment doivent se comporter les miens) et à visée explicative (il me raconte mon origine, ainsi que celle des miens), qui émerge de tout groupe humain suffisamment stable. Le mythe joue un rôle déterminant dans les comportement mutuels et dans l’appréciation des comportements des autres. (Exemple de mythe: le projet éducatif d’une équipe d’IME, le projet hospitalier d’un ministre de la santé).

La norme est vécue par ceux qu’elle implique, comme une pression à laquelle il faut bien se soumettre, qu’on le veuille ou non et dont on cherche à s’abstraire en toute occasion.

Le mythe est vécu par ceux qu’il implique, comme une vérité à laquelle ils adhèrent; on est volontiers prosélyte pour « son » mythe, mais il n’est qu’une élucubration, voire un délire, pour ceux qui s’en excluent.

Ainsi, par exemple, le mythe d’une équipe éducative « Nous sommes une équipe indéfectiblement unie » ou « Nous sommes le fer de lance de l’éducation spécialisée » ou encore « Nous sommes la poubelle de l’établissement », est la vérité de cette équipe, en même temps qu’il est un doux délire pour les autres équipes.

De même, la norme administrative, telle que « Les personnels non diplômés ne peuvent prendre en charge seuls un enfant » ou «  Le quota est de un éducateur pour six enfants » est vécue par l’ensemble des équipes comme une limitation souvent gênante à l’action éducative, limitation à laquelle il faut bien se soumettre, mais en la combattant et en la détournant chaque fois que possible.

Il apparaît donc clairement que nous nous soumettons de mauvaise grâce à la norme, alors que nous adhérons très volontiers à nos mythes.

2. Les opérateurs du mythe et de la norme.

Mythes et normes sont des récits assez particuliers, en ceci que nul ne doit les ignorer bien qu’ils soient rarement proférés. De fait, les credo mythiques cités plus haut ne sont pas toujours dits et redits, pas plus que les règlements ne sont rabâchés quotidiennement. Il est même facile de vérifier que la plupart des usagers de ces mythes et normes en ignorent la plus grande partie, bien que, à l’évidence, ils les respectent au quotidien !

L’hypothèse la plus probable est donc que le fonctionnement quotidien de mythe-norme s’assure à travers des opérateurs, c'est-à-dire des interactions indéfiniment répétées, des coordinations d’actions[5] qui, bien que très efficaces, échappent à notre conscience.

Sur ce point, les travaux de Goffman, ainsi que ceux des ethnologues, ont clairement tracé la voie. Les théoriciens de la thérapie familiale on décrit ces opérateurs en termes de rituels, dont nous donnerons les définitions basiques suivantes:

            Rituel normique : ensemble de manières d’agir et d’interagir, telles que nous avons le sentiment qu’elles nous sont imposées de l’extérieur.

            Rituel mythique : ensemble de manières d’agir et d’interagir, telles que nous avons l’intime conviction qu’elles doivent être accomplies.

3. L’inacceptable de la condition humaine.

Il s’agit donc d’une danse mimique et gestuelle, d’enchaînements comportementaux subconscients, que nous ne pouvons pas ne pas opérer dès lors que nous sommes à plusieurs. La psychologie animale et l’éthologie ont depuis longtemps établi que les animaux sociaux s’interrégulent de cette manière, à travers une palette gestuelle et mimique plus ou moins riche selon les espèces. Nous sommes moins enclins à admettre que les humains puissent être largement régis par ces mêmes processus. La linguistique, le discours psychologique, psychanalyse en tête, les minimise puissamment au bénéfice de ce qui, de fait, spécifie l’humain : le langage verbal. Nous acceptons donc volontiers, nous défendons même cette idée que nous nous interrégulons à travers le langage et nous renâclons à l’idée que de simples coordinations d’actions puissent nous déterminer dans le choix de nos actes et, plus encore, dans l’orientation de nos pensées.

Il est vrai que la différence entre ces deux niveaux est de taille: les théories qui prêtent au langage la place prépondérante dans notre activité communicationnelle tendent, au delà de leur pertinence, à préserver la croyance selon laquelle nos pensées, nos décisions, nos actions sont transparentes à nous-mêmes, qu’elles procèdent de notre intellect, c'est-à-dire d’une combinaison harmonieuse entre notre capacité logique personnelle et notre volonté-propre.

Henri Atlan resitue ces choses en nous faisant remarquer ceci que :

« L’auto-organisation inconsciente avec création de complexité à partir du bruit doit être considérée comme le phénomène premier dans les mécanismes du vouloir dirigés vers l’avenir; tandis que la mémoire doit être placée au centre des phénomènes de conscience. C’est l’association immédiate et quasi automatique de notre conscience et de notre volonté dans une conscience volontaire (...) considérée comme la source de notre détermination, qui a, croyons-nous, un caractère illusoire.

En effet, les choses qui arrivent sont rarement celles que nous avons voulues[6]. »

Henri Atlan, biologiste et génial inventeur du modèle auto-organisationnel, a montré que nos actes et les choix de nos actes sont des processus émergents de la danse rituelle que nous ne cessons pas d’accomplir à chaque instant de notre vie, nous contraignant à admettre que, non seulement nos actions et nos pensées ne sont pas transparentes à nous-mêmes, mais que leurs motifs nous échappent et que notre volonté n’y est pas toujours très sollicitée.

Il suffit cependant de mettre n’importe quel petit groupe humain sous vidéo, puis d’analyser les enregistrements. Le constat est sans appel: nous y apparaissons extraordinairement déterminés par ces danses rituelles, et les discours que nous proférons pour commenter nos actes y apparaissent plus fréquemment comme des ponctuations justificatives opacifiantes, que comme des éclaircissements de ces actes. Mais revenons à ce qui distingue mythe et norme.

4. Norme et mythe ne sont qu’un seul et même objet.

Une brève observation montre aisément ceci: notre sentiment premier est que l’accomplissement d’un rituel mythique renforce notre identité, la nourrit. A l’inverse, notre sentiment premier est que l’accomplissement d’un rituel normique coûte à notre identité, l’affaiblit.

Nous sommes donc naturellement enclins à considérer que l’univers normique et l’univers mythique sont deux choses bien distinctes. Nous établissons cette différence sur la foi de nos impressions intimes, sur la foi des différences émotionnelles suscitées en nous par l’un et l’autre de ces univers. Il importe cependant que nous soyons attentifs à ceci, que ce qui est une norme pour nous, est simultanément un mythe pour d’autres, de même que ce qui est pour nous un mythe est simultanément une norme pour d’autres (Neuburger 1995). Ainsi, le mythe du législateur est-il une norme pour le directeur d’un IME, alors que le mythe institutionnel de ce directeur est une norme pour les éducateurs de son établissement. Il en est de même, à l’hôpital psychiatrique, pour ce qui relie le ministre de tutelle, le psychiatre chef de service et les infirmiers.

Ainsi, le mythe éducatif ou thérapeutique d’une équipe est-il une norme pour les enfants, les adolescents, les malades qu’elle encadre.

En d’autres termes, selon le lieu d’où l’on considère cet objet, il est un mythe ou il est une norme: nous sommes tour à tour les gardiens d’une norme pour ceux qui dépendent de nous, et les défenseurs d’un mythe contre ceux dont nous dépendons. Norme et mythe sont deux figures pour un seul et même objet.

5. L’objet mythe-norme-rituel est un objet complexe.

Il est une observation qui souligne assez bien le danger humain et technique qu’il y a à considérer norme et mythe comme deux objets distincts et à les traiter comme tels.

Prenons le cas des institutions, des organisations, des Etats, dans lesquels un individu ou un groupe, doués d’autorité, s’identifie à « La Norme »: son action se montre très rapidement non viable pour ceux auxquels elle s’adresse par le fait que l’application à la lettre d’un règlement quel qu’il soit, immobilise[7] en peu de temps l’espace humain concerné, le stérilise. La norme en excès exerce, sur les individus, une contrainte par corps et par esprit qui arrête tout mouvement, toute vie.

De même, les institutions, les organisations, les Etats, dans lesquels l’espace mythique exclut radicalement toute référence à une norme, produisent un effet assez voisin. Ceux qui remplacent ainsi toute norme par leur mythe produisent une autre forme de non viabilité: le mythe en excès exerce une contrainte par corps et par esprit qui engage une dérive implacable vers la folie ou la délinquance.

En d’autres termes, la « pureté » normique et la « pureté » mythique, c'est-à-dire la confiscation par un sous-groupe, de l’objet complexe norme-mythe au bénéfice d’un objet tronqué, norme ou mythe, est à la fois source et expression de la plus « pure » violence que l’homme puisse faire à l’homme.

Les illustrations historiques ne manquent malheureusement guère, du nazisme au stalinisme, en passant par la terreur de la révolution française et par le maoïsme.

Les illustrations institutionnelles ne manquent pas plus, bien que la presse ne se fasse qu’irrégulièrement l’écho de dérives perverses, délinquantes ou sectaires, dans les partis politiques, à l’hôpital psychiatrique, dans les établissements éducatifs ou encore dans la gendarmerie et la police.

Le terme « pur », après avoir appartenu au vocabulaire mystique, puis à celui de l’alchimie, est passé sans problème majeur dans le vocabulaire de la chimie minérale; son utilisation dans la description du vivant pose, en revanche, d’importants problèmes. En effet, le vivant vivant n’offre rien de « pur »: bien au contraire, il ne se constitue et ne se maintient comme vivant, que grâce à ses mélanges, ses combinaisons, ses intrications[8]. La fin des mélanges signifie toujours la fin de la vie.

6. Lorsqu’un anneau se brise: la violence maximale.

La dérive naturelle des institutions, pour être viable, doit donc s’opérer entre le roc et le tourbillon. Il n’est, en effet, pas de violences plus violentes que celles qui sont engendrées par la désintrication entre les anneaux par lesquels l’univers normique à l’univers mythique se relient.

Ainsi, ce qui est identifié par nos groupes d’appartenance et par nous-mêmes comme trop pure norme, sans assez de place pour notre mythe, nous est immédiatement inacceptable; nous ne voyons généralement pas d’autre solution que de le combattre dans une légitime violence ou de le fuir, car nous y soumettre nous mettrait à terme en position de couplage non viable. Beaucoup de soubresauts institutionnels sont déterminés par ce sentiment, fondé ou non... car, en ces domaines, l’auto-intoxication n’est pas rare !

De même, l’observation montre dans tous les cas que les développements mythiques, quand ils rompent toute amarre avec l’univers normique, conduisent nos groupes d’appartenance, ainsi que tous leurs membres, à la folie ou à la délinquance; le sentiment que nous avons, que notre mythe chéri nourrit si bien notre identité, n’empêche alors jamais qu’il nous conduise à ces violences extrêmes.

Dès lors que les interactions entre norme et mythe sont rompues, lorsque l’un et l’autre dérivent détachés l’un de l’autre, le pur mythe et la pure norme se révèlent tout aussi destructeurs l’un que l’autre. Ces formes pures, c'est-à-dire folles, sont incapables de saisir la notion d’exception, pas plus que celles de compromis et de combinaison. L’un et l’autre, ne prévoyant aucun espace de liberté pour leurs ressortissants, se révèlent être les deux expressions les plus extrêmes de la violence sociale.

7. La moindre violence.

Il semble bien que nous devions nous soumettre au fait suivant: tout univers social, sans exception et à des degrés divers, est producteur de violence pour ceux qui y vivent. La philosophie, la sociologie, la psychologie se sont fort souvent penchées sur cette impérieuse question et, pour une fois, semblent s’accorder sur un même constat: toute société, toute organisation, toute institution produit de la violence physique et mentale à l’encontre des individus et des groupes qui la composent. N’oublions cependant pas d’ajouter que ces sociétés, organisations, institutions assurent dans le même temps la sécurité, le confort physique et mental, la survie-même, des individus et des groupes qui la composent.

La question n’est donc pas une question simple, mais une question complexe.

L’institution contraint et protège à la fois: tout sera donc fonction de modalités, de liaisons fines, de compromis, d’alliances... c'est-à-dire des modes de régulations plus ou moins viables de l’inévitable et permanent conflit entre l’espace normique et l’espace mythique.

La psychosociologie contemporaine décrit ce processus en termes de régulation formelle et de régulation informelle, ou encore en termes de règles autonomes et règles de contrôle; l’une et l’autre étant toujours présentées comme indissociables sous peine de blocage du système concerné.

Deux anneaux entrelacés dessinent entre eux un espace, plus ou moins grand selon que les anneaux obéissent à une force centripète ou centrifuge.

           
           
 
 

 

1. espace suffisamment bon.   2. espace fusionnel: l’un a dévoré l’autre.     3. mythe et norme se détachent.

De la qualité de cet espace transitionnel entre norme et mythe dépend la qualité de la vie d’un groupe, la qualité de la vie de ce groupe avec les autres groupes, ainsi que la qualité de ses relations avec la société dans son ensemble. Dans notre société, la plupart des groupes humains et, en leur sein, la plupart des individus, entretiennent plusieurs couplages normo-mythiques: ils ont plusieurs identités. Ce que j’appelle la moindre violence se construit dans la multiplicité des chevauchement entre les univers normiques et les univers mythiques. Ces interfaces sont nos espaces de liberté (Neuburger 1995).

8. Violence, identité, régulation identitaire et bergers.

Les groupes avec lesquels je partage mythe et normes, sont mes groupes d’appartenance. ce « mes » laisse entendre qu’ils m’appartiennent, bien que, en réalité, je leur appartiens en ce sens qu’ils définissent étroitement mon identité et que, sans leur concours permanent, je suis incapable de produire et de préserver cette identité. Un éducateur n’est un éducateur, un infirmier n’est un infirmier, qu’à l’expresse condition d’être reconnu comme tel par ses pairs et sa hiérarchie. Décident-ils qu’il n’est plus un éducateur, qu’il n’est plus un infirmier ? Il ne l’est plus ! Il aura beau clamer partout: « Je suis toujours éducateur ! » ou « Je suis infirmier ! », son cri restera sans effet. Il n’est plus éducateur, il n’est plus infirmier, car nul ne l’est dans la solitude, sans qu’un rituel mythique ne le confirme en permanence. Cela est tout aussi vrai pour un directeur, un médecin ou un thérapeute de famille.

Il apparaît donc que notre identité, à savoir « la capacité de se reconnaître comme existants, nécessite un passage par l’autre, les autres. » (Neuburger 1995). Mais comment nous assurons-nous de cette collaboration vitale de nos autres ? Que faisons-nous pour que cette précieuse reconnaissance ne se tarisse pas ?

Tout simplement, nous participons activement aux rituels mythiques et aux rituels normiques de nos groupes d’appartenance.

Chaque groupe possède ainsi ses couples de bergers: bergers normophiles-normophobe, qui maintiennent une tension vivante entre norme et mythe du point de vue de la norme; grâce à eux, la norme ne se dilue pas au bénéfice du mythe. Le couple mythophiles-mythophobe maintient une tension vivante entre mythe et norme du point de vue du mythe; grâce à lui, le mythe ne se dilue pas au bénéfice de la norme. Quant aux bergers équitenseurs, ils veillent à ce que chacun garde une place viable entre norme et mythe.

Il est, en général, assez facile d’identifier ces divers bergers, au sein de chaque équipe.

Lorsqu’un membre de l’équipe tend à s’égarer par rapport à ces trois repères, c'est-à-dire quand il cesse de répéter les comportements rituels requis, les bergers le remettent dans le droit chemin à travers divers modes d’intervention tels que:

- remarques plus ou moins acerbes (harcèlement parfois) visant sa compétence, sa moralité ou sa santé mentale

- mimiques disjonctives (faire la tête)

- rétention d’informations utiles

- dénonciation aux pairs ou à la hiérarchie

Ne nous y trompons pas: les contrevenants voient se lever à leur encontre une violence qui ne cessera qu’avec la reprise, par eux, des rituels communs et, éventuellement, le passage par une séance d’autocritique à la mode de Pékin, quand ce n’est pas un procès à la mode de Moscou... Dans le cas où les contrevenants commettent l’imprudence de ne pas rentrer dans la danse rituelle convenue malgré les semonces répétées, ils seront purement et simplement altérisés (Neuburger 1995). C’est ainsi que, de temps à autre, un éducateur, ou un infirmier, est éjecté de son équipe. Pour celle ou celui qui ne trouve pas alors rapidement un refuge suffisamment hospitalier où il puisse co-construire une nouvelle identité, la vie devient très difficile: le destin de l’altérisation est la dépression, la tentative de suicide, les troubles psychosomatiques ou organiques. En effet, notre identité est le strict équivalent d’un organe vital: sans identité, un humain ne survit pas (Lévi-Straus 1948, Bernard 1992, Gaillard 1994, 1995, 1998).

9. Normes, mythes, éducation et soin.

J’ai procédé, à travers les chapitres précédents, à une description aussi réaliste que possible du cadre au sein duquel toute activité éducative et thérapeutique se développe. On aura constaté que je n’ai pas encore parlé des clients, à savoir les enfants non conformes et leurs familles, ou les patients et leurs familles. Ce n’est pas l’effet d’une distraction: la dérive naturelle des institutions tend à en faire la cinquième roue de la charrette, les empêcheurs de danser en rond; ils sont les derniers dont on se prend à penser que sans eux il n’y aurait pas de navire du tout !

L’activité éducative, ainsi que l’activité de soin, sont bien entendu, organisées par le jeu conflictuel norme-mythe. Je n’ai pas pour objet de proposer une analyse des rapports que l’autorité politique entretient avec l’autorité intellectuelle, dans notre société. Il suffit donc de rappeler ce que tous les professionnels concernés savent peu ou prou: Le mythe éduco-thérapeuto-gestionnaire dominant dans les sphères gouvernementales se heurte et se combine avec celui qui domine dans les sphères universitaires; cet ensemble composite se constitue comme un jeu de normes pour les cadres institutionnels, lesquels les combinent avec leurs propres mythes éduco-thérapeuto-gestionnaire. Ce nouvel ensemble pèse sur les professionnels du terrain comme un jeu de normes, qu’ils accommodent avec leurs mythes; enfin, les clients subissent cette cascade, à travers ce que nous appelons actes éducatifs ou soignants et qui sont en fait pour eux un système de normes, auquel nous prenons grand soin de leur interdire de mêler leurs propres mythes. En effet, par principe, nous définissons leurs mythes comme inadéquats, voire mauvais: inadéquation intellectuelle, cognitive, sociale, psychique, mentale, etc.

En d’autres termes, les clients et les patients sont les seuls, dans cette imposante pyramide, à se voir systématiquement privés d’enveloppe mythique. Nous leur proposons ou nous leur imposons nos mythes qui, fatalement, ne sont pour eux que des normes. Ainsi, les clients et les patients sont les seuls à se voir systématiquement imposer de vivre dans un univers exclusivement normique.

Cet état de choses est extrêmement préoccupant, car il est pathogène pour quiconque y est soumis (iatrogénie institutionnelle): il est destructeur de l’identité individuelle.

10. Norme, mythe et modèles.

J’ai souligné, plus haut, que tout groupe stable ne pouvait que produire du mythe. Il est donc évident que l’un des plus hauts lieux de la production mythique est la famille. A-J Ferreira, le premier théoricien du mythe en thérapie de famille, supposait même une équivalence entre processus mythique familial et processus de défense individuel.

« (...) une fois que le mythe est mis en oeuvre, il tend à rester un aspect intégrant de la relation, dans laquelle il exerce une fonction régulatrice et joue le rôle d’un tampon pour amortir les changements et les altérations soudaines. En ce sens, le mythe familial est à la famille ce que les défenses sont à l’individu. En tant qu’il fonctionne comme une défense de groupe, le mythe familial assure l’homéostasie et la stabilité de la relation. ». (souligné par nous) A-J Ferreira (1966-1977).

Le premier modèle mythique qui se soit imposé à nous, le premier processus mythique auquel nous ayons participés, est celui de notre famille d’origine. Nous y avons baigné, il a structuré notre sensibilité et même une partie non négligeable de notre cognition (Ferreira 1966). A partir de quoi, la tendance naturelle d’un mythe est de se transmettre à travers nous; cette transmission s’opère inévitablement dans une tension générée par le fait qu’un mythe, en se transmettant, rencontre toujours au moins un autre mythe sur sa route. Mara Selvini et son équipe (1988), ont superbement mis en évidence et très finement décrit les jeux, parfois terribles, émergeant de ces rencontres, lors de la constitution d’une nouvelle famille. Nos mythes éducatifs et nos mythes soignants, nos mythes d’équipe, sont donc toujours infiltrés, voire fortement structurés, par nos mythes familiaux.

11. La construction d’un mythe d’équipe.

On pourrait concevoir la construction du mythe d’équipe comme un de ces concours de danse qui a inspiré le réalisateur du film On achève bien les chevaux... Tous les membres de l’équipe dansent les uns avec les autres et le plus endurant gagne !

Ce cas de figure est possible, mais il engendre toujours des dysfonctionnements humains et structurels très sérieux, car le mythe vainqueur ne peut fonctionner que comme une norme pour les vaincus: ce type de prise de pouvoir de l’un sur les autres relève de l’emprise paranoïaque ou perverse.

En fait, dans la quasi-totalité des cas, le temps du concours a insensiblement contraint chacun des danseurs en compétition à modifier ses pas de danse: en effet, danser est difficile, voire pénible, si les partenaires ne s’adaptent pas rapidement les uns aux autres !

A partir de quoi le mythe émergent de cette équipe se présente généralement comme un objet nouveau, susceptible de rallier tous les membres de l’équipe sous sa houlette.

12. Mythes éducatifs/soignants et mythes familiaux.

Eduquer et soigner consiste donc inévitablement en une rencontre entre des mythes éducatifs et soignants et des mythes familiaux, mythes qui, quelle que soit leur teneur, sont tous précieux pour l’ensemble des protagonistes.

Il faut cependant souligner que, dans le cas des institutions face aux familles, cette rencontre ne se fait jamais sur un pied d’égalité. En effet, l’institution est validée par l’autorité départementale et nationale qui la subventionne et l’autorise; l’institution, qu’elle le veuille ou non, représente cette autorité face aux familles (et sait parfaitement en jouer quand elle l’estime nécessaire). A partir de quoi, il va de soi que le mythe éducatif ou le mythe soignant de la dite institution prend valeur de norme et s’impose aux familles, dont le mythe est, dans le même temps et ipso facto, recadré comme mythe déficient ou toxique. En d’autres termes, le mythe familial est, dans tous les cas, traité comme mythe irrecevable. Il n’y a donc jamais de colloque intermythe, dans l’institution éducative et dans l’institution soignante. Cet état de fait est à proprement parler tragique. Il est non seulement producteur de souffrances importantes et inutiles pour les familles qui n’ont guère besoin de cela, mais il est aussi producteur de dysfonctionnements au sein de l’institution: l’institution éducative produit ainsi de l’anti-éducation, l’institution soignante produit ainsi de l’anti-soin.

En effet, traiter un mythe comme irrecevable revient à en priver l’enfant ou le patient institutionnalisé; or, notre mythe familial est une partie composante fondamentale de notre identité. Une déprivation identitaire a toujours des effets dévastateurs, à tel point qu’il me parait utile d’assimiler l’identité à un organe. Dans les société exotiques, les ethnologues (Cannon 1931, Lévi-straus 1948) observaient fréquemment l’effet mortel d’une telle déprivation; il est, en fait, aussi facile de les observer dans notre société (Bernard 1992, Neuburger 1995, Gaillard 1995-1998). Le seul élément qui s’oppose, souvent efficacement, à la destruction pure et simple des individus dans notre société, est que nous jouissons presque tous de plusieurs identités en simultané (Dortier 1994); s’il nous arrive d’en perdre une, la présence des autres amortit le choc.

Il se trouve, malheureusement, que les populations ayant besoin du secours des institutions éducatives et soignantes sont, dans l’immense majorité des cas, des populations à identité pauvre. Une famille au sein de laquelle naît un enfant trisomique, par exemple, voit immédiatement se dissoudre l’essentiel de son identité communautaire, sociale et même familiale. Il en est de même, pour une famille comportant un « fou ».

Le mythe familial des familles comportant un trisomique ou tout autre enfant non conforme, est donc profondément bouleversé et très appauvri par la survenue de ces derniers. Il est alors remplacé par un mythe de survie qui, s’il se montre apte à aider à la survie des membres de la famille, ne s’en révèle pas moins peu propice à la reconstruction des liens communautaires et sociaux, ainsi qu’à l’individuation. L’un de ces mythes de survie, le plus fréquent (je le nomme: mère couveuse-père dehors[9]), consiste, pour la mère, en une annulation rétroactive de la naissance de l’enfant non conforme: elle le remet dans son ventre et couve, indéfiniment. Dans le même temps, le père se vit comme libéré de son rôle de père puisque cet enfant n’est plus né: il va donc s’investir au dehors et abandonner à sa femme ce travail de gestation qu’il ne saurait partager.

Ce mythe de survie, qui définit pour la mère une identité de femme en attente d’accoucher et pour le père une identité de non père, a le don d’agacer au plus haut point les éducateurs et les soignants: ils le considèrent comme la preuve d’une mauvaise volonté parentale et, à ce titre, le combattent farouchement. Ce faisant, ils commettent une agression identitaire sur personnes en danger identitaire; la famille se resserre donc sur les guenilles identitaires qui garantissent sa survie; ce faisant, elle fait preuve, aux yeux de l’équipe, d’un évident accroissement de mauvaise volonté... A partir de quoi l’équipe monte d’un cran dans la lutte, confirmant le cercle vicieux qui unit équipe et famille en les disjoignant.

Pendant ce temps, l’enfant ou le patient instituionnalisé est l’objet d’une entreprise de mythectomie de la part de l’institution: il devient un zombie, qu’éduquants et soignants s’acharnent à instruire, à reprogrammer... en pure perte, car tout être vivant (c’est une loi de la nature) se refuse à l’instruction qu’il ne peut recevoir que comme une tentative de destruction (Varela 1989). Tous les éducateurs, dans leur parcours professionnel, on vu au moins un enfant trisomique objet de leur éducation s’opposer, se ralentir, s’immobiliser: ce qu’il voient alors, ce n’est qu’un enfant en train de se refuser à l’instruction qu’ils tentent de lui imposer. Tous les soignants ont vu au moins un adolescent schizoïde objet de leurs soins s’enfoncer dans le délire, l’hébéphrénie ou la violence: ce qu’il voient alors, ce n’est qu’un adolescent en train de se refuser à l’instruction qu’ils tentent de lui imposer.

13. Mythes de survie contre mythes éducatifs et soignants.

Lorsqu’un couple met au monde un enfant non conforme (trisomie, tare génétique, autisme primaire), c’est l’univers qui, d’un seul coup, s’écroule sur eux. Quelque chose se brise dans leur tête, dans le même temps que tout leur entourage change de comportements à leur égard: cet enfant ne leur permet pas de se projeter en lui, il ne peut pas porter leurs espoirs de vie meilleure, ni leurs désirs de réparation de leur propre enfance. Pire, sa simple existence leur montre qu’ils sont mauvais, incapables, porteurs d’une tare. En termes psychanalytiques on parlerait d’écroulement narcissique et de dépression réactionnelle grave. L’entourage, quant à lui, fait apparaître des bergers: les uns leur signifient durement que, en produisant ainsi de la non conformité, ils ont trahi le mythe communautaire; ils leur font payer cette trahison en les fuyant, en les critiquant, en les isolant; les autres, cherchant à les ramener dans le troupeau, les entourent d’attentions apitoyées et larmoyantes et les enfoncent dans leur malheur.

Beaucoup de parents d’enfant non conforme développent un syndrome de stress post-traumatique (SSPT): peu à peu, ils renforcent leur isolement social, se montrent facilement agressifs, exigeants, capricieux en famille, au travail, en société et avec les éducateurs et les soignants, deviennent insomniaques, anxieux, phobiques, obsessifs.

A peine le couple entreprend-il de structurer son mythe de survie, qu’il se trouve confronté à l’univers de l’éducation spécialisée ou de la pédopsychiatrie. Les parents croyaient avoir bu la coupe jusqu’à la lie, mais ils se trompaient: leur calvaire ne faisait que commencer. En effet, immédiatement les professionnels se saisissent d’eux à travers une suite de rituels d’inclusion (Goffman 1972) consistant à passer à la moulinette leur pauvre mythe de survie. Par exemple, le mythe mère couveuse–père dehors est immédiatement traduit en mère étouffante-père couard, et à leur imposer un jeu de normes éducatives et thérapeutiques. Le combat s’engage:

Mme Y qui, ce jour-là, amène elle-même sa fille à l’établissement car elles doivent se rendre à un foyer dans lequel sa fille va faire un stage interné d’une semaine, arrive avec ¾ d’heure de retard: « Françoise ne voulait pas venir, alors j’ai attendu jusqu’au dernier moment... ». Le regard de l’éducatrice est sans appel. Il dit: « je sais que tu mens; c’est toi qui ne voulais pas venir, parce que tu ne veux pas lâcher ta pauvre fille que tu étouffes ! ». Elles partent au foyer, la mère se montre hyperanxieuse, s’agite en tous sens, pose des questions immédiatement jugées stupides, montre des exigences immédiatement cataloguées abusives... Lorsqu’elle doit partir, elle dit à sa fille: « sors ton mouchoir et ne pleure pas ! » et, comme la fille ne comprend pas assez vite, elle commence à lui essuyer les yeux... Enfin la fille comprend, verse quelques larmes, la mère peut partir, rassurée mais suivie par une éducatrice furieuse contre cette attitude de double contrainte inadmissible. De retour chez elle, la mère rédige une grande lettre à l’adresse de l’équipe éducative accueillante, pour attirer son attention (souligné et surligné dans le texte) sur le fait que sa fille a énormément de mal à s’intégrer dans un groupe, qu’il ne faut pas oublier ses médicaments, faire attention à ses bijoux et à ses vêtements car sa fille y tient beaucoup et craint la saleté et, surtout, qu’ils soient attentifs à ce que les pensionnaires hommes ne lui fassent pas de mal. Cette lettre, communiquée à l’équipe éducative de son établissement, renforcera la conviction déjà bien établie que cette mère est d’une toxicité véritablement redoutable.

L’éducation et le soin institutionnels se trouvent donc dans une impasse structurelle, qui est la cause majeure de leur si maigre efficacité.

A un premier niveau, il nous est à présent facile de comprendre que les excès liés à la déconnexion entre norme et mythe, parfois perceptibles dans les comportements éducatifs et soignants, pèsent lourdement sur les clients:

            - La norme pèse-t-elle trop lourd dans la balance organisationnelle ?

Les éducateurs et les soignants deviennent alors des gardiens conformes d’êtres non conformes, dans une garderie conforme pour êtres non conformes. L’éducation et les soins qu’ils dispensent sont fait de poncifs éduco-chimio-moralisants dénués d’efficacité réelle, inlassablement répétés; les protocoles de soins, les plannings d’activités, préélaborés sans lien aucun avec les demandes et les besoins réels des sujets qu’ils gardent, donnent lieu à un « faire » aveugle et sourd, dont l’inefficacité est attribuée à la résistance, la mauvaise volonté, la trop grande débilité, la folie des patients et de leurs familles. La liste des interdictions qui pèsent sur les pensionnaires est souvent si longue et si complète, qu’il devient difficile d’y trouver, ça et là, une maigre autorisation.

            - Le mythe pèse-t-il trop lourd dans la balance organisationnelle ?

Les éducateurs et les soignants deviennent alors des dérivants marginaux, des originaux friands de méthodes exotiques ou ésotériques, chez qui les pratiques perverses ne sont pas rares; tant et si bien qu’il est parfois difficile de les distinguer au premier coup d’œil de leurs clients. A leurs yeux, l’institution et l’ensemble de ceux qui la représentent sont illégitimes : il faut donc leur dissimuler le travail car ils ne peuvent évidemment pas comprendre ; il convient aussi de leur contester toute autorité. Si les patients s’enfoncent dans leurs troubles c’est, bien entendu, à cause de la toxicité intrinsèque de l’institution.

Dans les deux cas, le résultat consiste en une instrumentalisation, une zombification des patients, et la seule efficacité réellement constatable est une efficacité anti-éducative et anti-thérapeutique.

14. Sensibilité au mythe de l’autre.

Nous le voyons, la marge de manoeuvre n’est pas toujours très large, pour qui veut co-construire un travail éducatif et thérapeutique intégrant la complexité du phénomène identitaire. il semble bien que l’art éducatif et thérapeutique consiste d’abord à acquérir une sensibilité suffisante au mythe de l’autre, quel qu’il soit, et acquérir la capacité de composer avec ce mythe, c'est-à-dire d’en reconnaître la validité pour ceux à qui il donne une identité (Gaillard 1995, 1997).

Cette disposition de reconnaissance a priori du mythe de l’autre est un impératif catégorique, pour qui veut éduquer et soigner. En effet, nous avons vu que les mythes éducatifs et soignants sont des normes pour les éduqués et les soignés; si les éducateurs et les soignants ne respectent pas cet impératif catégorique, non seulement ils se mettent en position d’imposer leurs propres mythes comme norme, mais ils mutilent les éduqués et les soignés de leurs propres mythes, c'est-à-dire de leurs identités majeures.

Nous avons vu, cependant, que ces mythes, dans le cas des enfants non conformes, sont des mythes de survie, pauvres en potentiels. Dans le cas d’enfants ou d’adolescents fous, il peut s’avérer que les mythes familiaux soient producteurs de folie (Ferreira 1966, Haley 1967, Selvini 1978). Nous avons vu aussi que l’institution montrait une tendance considérable au rejet destructeur des mythes familiaux.

Il reste donc deux voies possibles, pour sortir de l’impasse destructrice:

            - entreprendre une danse mythique avec les familles, au cours de laquelle, immanquablement, le mythe éducatif/soignant influencera le mythe familial qui influencera le mythe éducatif/soignant (le modèle social-constructionniste peut y faire merveille).

            - entreprendre une danse mythique avec les clients, au cours de laquelle, immanquablement, le mythe éducatif/soignant influencera le mythe du client qui influencera le mythe éducatif/soignant (le modèle constructiviste s’y montre très efficace).

En cas de mythes particulièrement pauvres ou particulièrement toxiques, on pourra recourir à la greffe mythique (Sibony 1992, Neuburger 1995): l’équipe éducative offre à l’enfant ou à l’adolescent des éléments mythiques, dont ce dernier peut s’emparer et les faire siens, en les recombinant avec son mythe initial, ou en les lui substituant. On peut ainsi obtenir des résultats remarquables. Mais attention, danger: ce nouveau mythe, c'est-à-dire cette nouvelle identité, si elle se construit isolément, fait de lui un étranger dans sa famille, de telle façon qu’il s’en trouvera proprement éjecté comme un corps étranger. Il est donc impératif d’élargir ce processus de greffe mythique à l’ensemble de la famille. Et quand bien même l’individu concerné serait destiné à ne jamais retourner dans sa famille (foyer ou hôpital à vie), il reste impératif de réfléchir à ce que cette nouvelle et belle identité deviendra, après séparation avec l’équipe au sein de laquelle le greffe mythique s’est opérée. En effet, si l’institution suivante ou l’équipe suivante se structure sur le mode classique du rejet mythique, la chute peut être très dure; il est arrivé qu’elle soit mortelle.

15. Institution et espaces de liberté.

Sur ce parcours difficile, les équipes rencontrent une difficulté majeure, qui nuit considérablement à l’efficacité éducative et thérapeutique des organisations psycho-éducatives et psychothérapeutiques. Cette difficulté est intimement liée à l’ambiguïté du mandat social et politique des institutions.

La norme au plus haut niveau (ministère) inclut des notions étrangères à l’éducation et au soin, telles que la rentabilité ou, à défaut, le moindre coût, telles aussi que l’enfermement: ce mandat d’enfermement (protection sociale, punition) se combine de façon perverse avec le mandat de veille (soin, éducation), inhérent à toute bonne éducation ainsi qu’à tout bon soin. Un univers très particulier, unique dans nos sociétés, émerge de cette dérive perverse entre le mandat d’enfermement et le mandat de veille: un univers dans lequel il n’y a aucun espace de liberté, aucun espace inter-identitaire. Les espaces de liberté s’ouvrent et se déploient dans les intersections entre nos différentes identités. En effet, rappelons-nous que nous ne jouissons d’aucune liberté au sein de nos groupes d’appartenance: la seule activité tolérée, dans nos cercles identitaires, consiste à adhérer au mythe structurant et à montrer suffisamment clairement notre adhésion ! Si nous avons la chance de disposer de plusieurs groupes d’appartenance (notre équipe, notre famille, notre famille d’origine, notre club sportif, notre chorale, etc.), nos espaces de liberté se dessinent dans les intersections entre ces divers cercles: dans ces espaces, nos appartenances se font moins pressantes et nos identités sont riches de leurs métissages.

Pour qui n’a pas cette chance, et c’est le cas de la quasi-totalité de nos pensionnaires, il n’y a aucun espace de liberté: soit ils sont soumis en permanence à nos mythes qui ne sont pour eux que des normes (instruction destructrice), soit ils adhèrent aux mythes que nous leur avons proposés de partager avec nous, et ils ne disposent d’aucune appartenance alternative, donc d’aucun espace de liberté.

En outre, la fonction de veille est, en général, si bien assurée dans les établissements que, au sein de l’unique groupe identitaire dont ils disposent, les pensionnaires sont, en permanence, sous le regard éducatif et soignant. En d’autres termes, ils ne bénéficient jamais de ces zones neutres et de ces champs aveugles dont profitent largement les enfants, les adolescents et les adultes en société. Très concrètement, cela signifie qu’ils ne disposent d’aucun espace pour les apprentissages sans maître et les interactions intimes.

A faire le compte de l’ensemble de nos apprentissages sans maître, nous nous apercevons rapidement que nous ne serions pas grand chose sans eux: les zones neutres et les champs aveugles sont absolument indispensables à la construction d’une autonomie minimale, d’une identité suffisamment distincte de l’identité de notre groupe d’appartenance. C’est en particulier dans ces zones que nous construisons notre sexualité[10]; elles abritent nos amitiés et nos inimitiés, nos premiers groupes d’appartenances clandestins, ainsi que de nombreuses expériences par principe prohibées par les parents et pourtant précieuses pour nos identités futures.

De tout cela, les enfants, les adolescents et les adultes institutionnalisés sont absolument et totalement privés: pas de zones neutres et pas de champs aveugles, où ils puissent le déployer. Cet état de fait est probablement un des plus puissants facteurs d’échec éducatif et thérapeutique en institution.

Il explique, de même, le relatif succès des « matrones », ces femmes de la campagne chez qui, dans les années post-soixante huit, on plaçait volontiers des enfants psychotiques et autistes (Mannoni 1970). Ils se portaient rapidement beaucoup mieux qu’à l’institution, à mon avis pour cette simple raison qu’elles les éduquaient comme on éduque normalement à la campagne quand on est une matrone: on nourrit bien et frugalement, on câline de temps à autre et surtout on laisse vivre ! Les enfants se régulent assez largement entre eux, ainsi qu’avec les animaux et la nature. De même pour la suppression des hôpitaux psychiatriques en Italie: beaucoup de fous chroniques et dépendants on modifié profondément et positivement leurs comportements.

Le problème reste, me semble-t-il, que si le bon sens, les contextes matronesques, la suppression des grilles dessinent puissamment les contours de mondes de significations nouveaux et plus ouverts, ils ne suffisent pas tout à fait et ne peuvent se substituer en totalité à l’action des professionnels. Sommes-nous donc condamnés à choisir entre l’insuffisance matronesque et l’insuffisance institutionnelle ?

16. La petite claque sur la tête.

Jay Haley, un des pionniers de la thérapie systémique et probablement le théoricien le plus avisé de la schizophrénie (Haley 1963-93), a montré que chacune de nos interactions avec qui que ce soit, se résume ainsi:

a) je

b) dis quelque chose

c) à vous

d) dans cette situation (spatio-temporelle)

Le tout s’opérant à travers de multiples réseaux de communication (verbal, mimique, gestuel). Il appelle ceci: « définir la relation ». La relation se définit donc à travers une congruence suffisante entre a), b), c), d) et e); les mimiques et les gestes ponctuent mes dires, c'est-à-dire les qualifient ou les disqualifient, les confirment ou les dysconfirment.

Un éducateur d’une grande intelligence et d’une grande sensibilité éducative rapporte ce qui suit au court d’une séance d’analyse de la pratique où nous réfléchissions sur les petites claques morales sur la tête que nous distribuons généreusement aux pensionnaires pour définir clairement la relation (moi, éducateur; toi débile. Moi infirmier, toi malade):

« Hier soir, en rentrant de la lingerie, je dis à Daniel (hébéphrène de 19 ans): demain matin, tu pourras aller chercher ton linge propre, j’ai vu qu’il était prêt. Un quart d’heure plus tard, je vois Daniel passer avec sa pile de linge propre et je l’interpelle sans même y réfléchir: Dis-donc, Daniel, je t’avais dit demain matin !... En fait, je sais qu’il a pigé qu’il peut ouvrir la lingerie avec la clé du bureau des éducs, c’est donc ce qu’il venait de faire, à un moment de la soirée où chacun est libre d’aller et venir. Au lieu de saluer son ingéniosité et la pertinence de sa décision, ou simplement ne rien dire, je l’ai cassé ! »

Mme Z est orthophoniste; elle est hospitalisée en hôpital psychiatrique de jour pour une dépression. Tant qu’elle va très mal, elle est très bien tolérée par l’équipe soignante, mais, dès qu’elle émerge de la dépression et qu’elle tente d’entrer en communication en faisant valoir une certaine communauté identitaire entre elle et les infirmiers (n’est-elle pas une soignante, elle aussi ?), une violence extrême se déchaîne sur elle: du statut de pauvre jeune femme dépressive, elle bascule dans celui d’hystérique saboteuse d’activités, de séductrice plus ou moins perverse, de résistante au traitement sociothérapique. Comme elle ne se sent pas assez forte pour réaffronter l’extérieur, il ne lui reste qu’à se montrer de nouveau très déprimée, ce qui, malheureusement, empêche qu’on songe à la faire sortir, da capo...

Le constat est, en fait, terrible: il semble bien que nous passions le plus clair de notre temps à distribuer ces petites claques sur la tête des gens que nous éduquons et soignons; il semble, de même, que ces mille petites claques que nous distribuons quotidiennement sur la tête des pensionnaires, aient pour fonction et pour effet de les maintenir à leur place de psychotique-débile-malade.

Le problème généré par ce constat est complexe, car cette pratique que j’appelle ici des petites claques, relève en fait de la danse interactionnelle constante à travers laquelle nous nous définissons, seconde après seconde tout au long de notre vie, dans la relation avec nos interlocuteurs.

17. Miracles furtifs et déclinaisons de l’identité.

Les miracles sont des anomalies que notre science est incapable d’expliquer; ce qui ne signifie nullement qu’ils soient inexplicables par la science ! Simplement, les petites boites de sens et de significations que les chercheurs et les praticiens construisent n’ont pas encore pris de formes suffisamment proches de tel ou tel « miracle », pour qu’il devienne une simple énigme, c'est-à-dire un bon objet de recherche.

De nombreux éducateurs et soignants ont été et seront en mesure d’observer les miracles furtifs qui nous intéresse ici. En voici un exemple:

Un soir, dans un pavillon pour adolescents arriérés et psychotiques encadré par une équipe inventive et chaleureuse, la directrice débarque alors que l’on s’activait à la préparation du repas: elle a été invitée par les éducateurs. Ces derniers se montrent gauches, entament la conversation sur un ton un peu emprunté, ils ne savent manifestement pas trop comment se comporter, quel ton adopter. C’est à ce moment que le miracle furtif se produit: les débiles et les psychotiques prennent la situation en main, dressent la table, font avancer la cuisine puis, à table, se tiennent parfaitement bien tout au long du repas. Les éducateurs sont sauvés ! Dès que la directrice a pris congé, très contente de sa soirée, la vie de psychotique et de débile reprend son cours.

Ces miracles furtifs surviennent souvent dans un bon restaurant, lorsque des éducateurs ou des infirmiers courageux y vont avec une partie de leur groupe. On les observe aussi parfois en camp. Daniel, le garçon hébéphrène dont je viens de parler, est coutumier de ces miracles furtifs: en randonnée, en raid ou en camp, il peut se transformer, adopter une attitude normale, pertinente, efficace. Dans les contextes institutionnels, il peut se montrer débile, fou, violent.

L’observation des miracles furtifs me semble constituer une piste extrêmement précieuse, pour qui veut contribuer à la nécessaire « révolution » éducative et soignante en institution. Ce que nous y voyons, en effet, sur un mode quasi-expérimental, c’est une transformation identitaire humainement favorable.

Je crois avoir repéré un facteur commun à l’ensemble des exemples de miracles furtifs: ils semblent s’opérer très préférentiellement au cours de situations dans lesquelles les éducateurs ou les soignants subissent eux-mêmes un trouble ou un brouillage identitaire, des situations qui ne leur permettent plus, pour un temps, d’agir selon leurs repères routiniers, c'est-à-dire selon leurs rituels éducatifs ou soignants. Il s’agit de situations durant lesquelles les professionnels ne sont momentanément plus en mesure de distribuer les petites claques qui maintiennent fous.

Les exemples dont je dispose sont tous le fait d’équipes très ouvertes, inventives et réellement soucieuses d’humanité. Dans l’état actuel de mes observations, je pense que, si l’espace de liberté fortuitement produit par la situation débouche sur des attitudes et des comportements extrêmement sains de la part des pensionnaires, c’est largement grâce à cette donnée de base. Dans les équipes et les établissements où la dimension carcérale domine (services psychiatriques durs, CAT stakanovistes, IME hypernormiques), les effets d’une telle ouverture fortuite prennent presque toujours la forme d’accès de violences saccageuses, qu’on s’empressera de réprimer.

Conclusion.

Les déclinaisons de la violence, telles que je les ai développées ici, ont pour objectif de proposer de nouveaux pas de danse aux éducateurs, enseignants spécialisés, infirmiers psychiatriques, médecins et psychologues (quelles que soient leurs spécialités et leurs formations complémentaires), ainsi qu’aux gestionnaires institutionnels. J’ai tenté de montrer que la dérive naturelle non entravée des rapports entre norme et mythe en institution conduisait systématiquement à une dépossession identitaire radicale des humains qui se trouvent au bout de la chaîne: les éduqués et les soignés. Cette dépossession identitaire radicale, qu’on pourrait appeler « symptôme majeur de l’institution », est une cause de l’invraisemblable inefficacité de l’entreprise éducative et soignante en institution... invraisemblable au regard des moyens techniques et des trésors en efforts humains mis en oeuvre.

Il semble donc que soigner et éduquer en institution passe par une constante activité d’entrave de la dérive naturelle des institution : mon expérience tend à montrer que la mise à disposition systématique pour toutes les équipes d’un temps d’analyse de la pratique constitue une bonne entrave ; c’est en outre un lieu très propice au repérage des petites claques sur la tête et à leur suppression au moins partielle.

Dans notre recherche d’un accroissement de l’efficacité éducative et thérapeutique en institution, les petites claques sur la tête et les miracles furtifs nous offrent une piste, surprenante, embarrassante, mais très consistante: les éducateurs, les soignants et les managers qui travaillent à partir de ces concepts opératoires semblent s’accorder à dire que leur pratique s’en est radicalement transformée, au point qu’ils l’assimilent à un apprentissage de type 3 (Bateson 1977) ou à un changement de second ordre (Watzlawick et coll. 1975).

 

Références bibliographiques.

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Watzlawick, Weakland, FISCH, 1975, Changements: paradoxe et psychothérapie, Le Seuil, Paris.

 

 Notes :

[1] Psychanalyste (ex EFP), thérapeute systémicien (SFTF, EFTA), Pr. Honoraire des universités, Formateur.

[2] Gaillard J-P. 1999. « Institution et violence : une lecture systémique. », 20 pages, in revue Thérapie familiale. Vol. XX n° 4. Editions Médecine et Hygiène. Genève.

[3] Gaillard JP (2009) 2014 (réédit augmentée) : Enfants et adolescents en mutation. Mode d’emploi pour les parents, éducateurs, enseignants t thérapeutes. ESF éditeur. Paris.

[4] Gaillard J-P. (1999) 2012 (réédit. Augmentée) : L’éducateur spécialisé, l’enfant handicapé et sa famille, ESF, Paris.

[5] On trouvera un développement exhaustif sur le concept de coordination d’actions, in Gaillard J-P. 1998, « L’apport de la thérapie familiale en médecine générale systémique: sur le phénomène de croyance comme organisateur des processus de chronicisation. Etat d’une recherche. » in revue Thérapie familiale. Vol. XIX n° 2. Editions Médecine et Hygiène. Genève.

[6] Henri Atlan, Entre le cristal et la fumée op. Cit. Page 140.

[7] Pour une formalisation physique de ce phénomène, voir le bel article de P-G de Gennes. 1985, « Continu et discontinu: l’exemple de la percolation. » in Encyclopedia universalis vol. Les enjeux, p. 313.

[8] Freud, sur le plan intrapsychique, avait souligné que la désintrication entre ce qu’il appelait pulsions de vie et pulsions de mort était systématiquement productrice de pathologies graves.

[9] Pour une liste exhaustive des divers mythes de survie, voir L’éducateur spécialisé, l’enfant handicapé et sa famille op. cit..

[10] La dénonciation, par le Conseil National du Sida et par l’IGAS, de « la confiscation de la sexualité des handicapés mentaux » semble donc parfaitement fondée; j’ai même eu à constater que, dans de nombreux établissements pour jeunes adultes handicapés (IMPro, CAT), l’homosexualité est tacitement encouragée (on ferme les yeux), car elle ne pose pas les problèmes de l’hétérosexualité (protection, grossesse).

 

Sites de recherche et réflexion systémique à consulter régulièrement :

MCX-APC

Le réseau « Intelligence de la Complexité » est soutenu et organisé par deux associations-sœurs : l’Association Européenne pour la Modélisation de la Complexité (MCX) et l’Association pour la Pensée Complexe (APC), toutes deux présidées par deux complices de toujours : le Pr. Jean-Louis LE MOIGNE pour la première et le Pr. Edgar MORIN pour la seconde, deux références mondialement incontestées dans les registres de la pensée complexe.
Le site web MCX est une véritable mine d’or en matière de références bibliographiques. En outre, MCX-APC organise chaque année un Grand Débat réunissant les chercheurs les plus innovants en la matière : vous disposez dans ce site d’un échantillon vidéo de ces Grands Débats (MCX GRAND DEBAT 2006).

IDRES

L’IDRES, créé et animé par Jacques BEAUJEAN, est un site dédié aux praticiens de la systémique, thérapeutes, mais aussi tous les travailleurs sociaux concernés par cette approche. Sa particularité et son extrême richesse tient à ce qu’il offre une énorme quantité d’articles in extenso et qu’il est un site wiki totalement interactif. A visiter régulièrement, donc. L’IDRES, basée à Liège (Belgique), est aussi un institut de formation à l’adresse de qui souhaite acquérir une formation complète de thérapeute systémicien.

SICS

La Société Internationale des Conseillers de Synthèse, crée et animée par Armand BRAUN, offre un site de prospective et de réflexion économico-sociétale de grande valeur. Le site SICS dispose d’une riche bibliothèque, à consulter régulièrement.

 

Projet d'établissement 2002 du CNRS français :

"S'attacher à la complexité (…) c'est reconnaître que la modélisation se construit comme un point de vue pris sur le réel, à partir duquel un travail de mise en ordre, partiel et Ccntinuellement remaniable, peut être mis en œuvre"